Pédagogies Freinet et institutionnelle
La pédagogie de la Calandreta s’inspire de la pédagogie de Célestin Freinet et de la pédagogie institutionnelle de Fernand Oury.
La pédagogie Freinet
La pédagogie Freinet est le fruit d’un long cheminement collectif dans lequel Freinet a été un génial et infatigable organisateur créant un véritable « Mouvement » qui puise dans l’humanisme, les fondamentaux et les étapes des découvertes. Pédagogie et non méthode car une méthode est un ensemble de règles, de normes préalablement définies et fixées, à appliquer pour arriver à un but alors que pour arriver à un but, la pédagogie Freinet consiste en une mise en œuvre de techniques, susceptibles d’évoluer en fonction des conditions d’exercice de l’enseignant dans son contexte et en fonction de l’évolution de la société elle même. (lire « comprendre la pédagogie Freinet » de Guy Goupil édition les Amis de Freinet)
Dans la classe, le maître n’est pas le seul à détenir des savoirs et n’est plus l’unique référent appliquant des programmes. Le savoir des enfants est pris en compte, il est partagé au sein de la classe et permet à tous(tes) de contribuer à l’acquisition de nouveaux savoirs.
La pédagogie Institutionnelle
La pédagogie institutionnelle donne la parole à l’enfant, le rend autonome.
A la Calandreta, l’entraide, la fraternité et l’empathie sont au cœur de l’organisation de la classe.
La vie de groupe, vecteur d’apprentissage, est régulée grâce à des institutions de « lieux et moments de paroles » mises en place dans les classes, véritables rituels quotidiens :
1 – « Le Canton » [le cantou]
C’est un lieu de regroupement matérialisé où les enfants se réunissent pour ouvrir et fermer la journée de classe, mais pas que! … Chacun peut s’y exprimer dans le cadre d’institutions pédagogiques qui sont des moments ritualisés du temps scolaire :
« Come vas ? » / Comment vas-tu ?
C’est une institution qui permet à tous, et surtout aux maternelles, d’amorcer la communication et d’introduire parfois le « Qué de noù ? » Son objectif consiste à faire parler les enfants en occitan de leur ressenti concernant leur matinée, début de journée. Elle se déroule également au Canton.
Chacun son tour, l’enfant répond à la question « Come vas ? » Comment vas- tu ?
L’enfant répond : « Vau plan » je vais bien ou « Vau pas plan » je ne vais pas bien.
Petit à petit, l’enfant devra être capable d’expliquer son choix :
« Vau plan per de que… » Je vais bien parce que…
« Vau pas plan per de que… » Je ne vais pas bien parce que…
« Lo Que de noù ?» / Quoi de neuf ?
C’est l’une des institutions pédagogiques pratiquées de la Petite Section au CM2.
Son objectif est de faire parler l’enfant à propos de sa fin de semaine (samedi et dimanche) ou à propos d’un évènement important pour lui. C’est un entrainement à la parole et à l’écoute de l’autre. Cela peut être à la fois une parole pour se libérer d’un trop plein ou tout simplement une parole à propos du vécu des enfants. Ce n’est pas un monologue, il y a des interactions entre les participants.
Chaque enfant qui souhaite intervenir le fait savoir et lo (la) regent(a) prend note et distribue la parole. C’est un moment d’expression libre de chacun avec une écoute attentive du groupe. Après l’intervention, ceux qui le souhaitent peuvent réagir et poser des questions. Au fil de l’année, les enfants prennent progressivement en charge la gestion de ce temps de parole avec l’aide bienveillante du (de la) regent(a).
C’est généralement la 1ère institution mise en place dès la Petite Section. Il a lieu une fois par semaine et fait le lien entre l’école et la maison.
C’est un temps privilégié d’expressions et d’échanges à partir du vécu et de l’imaginaire des enfants et c’est là que les enfants commencent à parler occitan à l’aide de phrases rituelles.
C’est donc un moment nécessaire pour que se crée une conscience de groupe. Il permet peu à peu de se situer dans et par rapport au groupe (acquisition des notions de distance, de choix, d’effort sur soi-même, de don aux autres…) Il est aussi pour la maîtresse (« la regenta ») un apprentissage constant : mieux connaître et aider les enfants. C’est enfin un témoin de la vie et de l’évolution du groupe.
« Lo bilanç metèo » / le bilan météo
Cette institution consiste à faire parler l’enfant sur le vécu de la journée, à l’aide de symboles. Elle se déroule au Canton, en fin de journée.
Elle est loin d’être insignifiante puisqu’elle prépare le Conseil. A l’aide de symboles, l’enfant essaie de dire comment s’est écoulée sa journée en utilisant l’un des trois symboles suivants :
– lo solelh/ le soleil > la journée s’est bien déroulée
– la nívol / le nuage > la journée est mitigée, quelque chose a agaçé, inquiété, blessé l’enfant
– l’auratge / l’orage > la journée ne s’est pas bien déroulée.
Ces symboles sont mimés avec la main :
Lo solelh > main ouverte
La nívol > main mi-entrouverte, mi-fermée
L’auratge > poing fermé
Peu à peu, l’enfant apprend à expliquer son choix surtout lorsque la journée s’est mal déroulée.
« Lo Conselh » / le Conseil
C’est l’institution la plus importante de la vie de classe, de la maternelle au CM2. Elle est un moyen de vivre l’éducation civique au sein du quotidien scolaire des enfants.
Cette institution est menée par un président (celui qui a la ceinture de comportement la plus élevée) dont le rôle est d’organiser les discussions, de donner la parole, de savoir faire un résumé de ce qui s’est dit pour en tirer les conclusions et prendre des décisions. Il est aidé par un secrétaire dont le rôle est de prendre des notes dans le cahier du Conseil, d’écrire les lois et les décisions prises.
Le Conseil s’organise de cette façon :
Avant chaque ouverture de séance, il faut récapituler les lois du Conseil :
– je ne coupe pas la parole
– j’écoute celui/celle qui parle
– je ne me moque de personne
– tout ce qui est abordé au Conseil reste confidentiel sauf si le Conseil en décide autrement.
Il est divisé en rubriques où chaque enfant peut s’inscrire :
- Les questions/demandes
- Les critiques
- Les félicitations
- Les remerciements
- Les informations
- Les remarques
- Les propositions
A tout moment, quand il y a besoin, le contenu du cahier du Conseil peut être récapitulé, afin d’aider les enfants à se remémorer les décisions et lois établies.
L’objet de cette institution est d’être acteur au sein de l’école :
- savoir prendre des responsabilités,
- trouver des solutions pour vivre mieux ensemble,
- poser des questions dans un cadre sécurisant et respectueux.
C’est le début de l’apprentissage de la vie citoyenne !
– le conseil, œil du groupe :
Une mise en perspective de la vie de classe, afin d’en parfaire ses mécanismes
– le conseil, cerveau du groupe :
Instrument d’analyse et de critique, d’élaboration collective de la loi et des règles de vie. Instrument de décision, il est aussi une mémoire collective.
– le conseil, rein du groupe :
Une réunion d épuration de ce qui encombre, obstrue ou annule la vie collective et la production. Le conseil draine les énergies bloquées dans les tensions, conflits et inhibitions, les récupère et les réoriente.
– le conseil, cœur du groupe :
Lieu de recours où l’on parle au nom de la loi et qui permet la cicatrisation des blessures ou frustrations subies au cours de la semaine. Lieu de reconnaissance des progrès, des efforts, des réussites, donc lieu de re-dynamisation du groupe.
2 – « Los mestiers » / les métiers
En début d’année, les enfants se regroupent pour discuter des métiers qui pourraient exister en classe. Ces métiers seront alors choisis et attribués par vote lors du conseil de classe.
Il s’agit de mettre en valeur la prise en charge par les enfants de tâches collectives.
Ainsi seront-ils :
- responsable de la bibliothèque
- responsable du tableau
- responsable de la « cloche » pour retour en classe
- responsable « messager »
- responsable de la date
- responsable de la météo
- responsable du « codi bruch » (code sonore)
- responsable du thermomètre des tissos
- responsable nettoyage
- responsable rangement
- responsable espaces verts
- remplaçant
- etc…
Les métiers permettent de responsabiliser l’enfant, de le faire participer à la vie de classe et donc de le valoriser. Ils sont effectués lors de moments précis dans la journée, dans la semaine. Il s’agit aussi d’apprendre à l’enfant à être capable de garder une responsabilité sur le long terme. Pour chaque niveau, les métiers sont créés selon les compétences des enfants. Les métiers évoluent tout au long de l’année, en fonction des besoins de la classe.
3 – « Los talhièrs » / les ateliers
Le système d’ateliers permet à l’enfant d’avoir des relations de groupe avec un ou deux enfants et de s’y situer, de choisir réellement selon ses désirs, ses goûts, entre diverses activités. Plusieurs types d’ateliers peuvent être proposés comme celui de la peinture, du théâtre, du chant, de la cuisine, du modelage, du collage entre autres…
4 – « las cintas » / les ceintures
L’évaluation à Calandreta ne passe pas par les notes mais par l’autoévaluation (dite évaluation positive) réalisée par les enfants eux-mêmes: c’est le système des ceintures qui valorise la réussite sans stigmatiser l’échec. Ces ceintures sont progressivement mises en place au cours des différentes classes, à partir du cycle 2 (GS). La première est généralement celle de l’autonomie. Celle du comportement est également importante. D’autres ceintures existent en mathématique, écriture, lecture, orthographe…
Chez les petits, les progrès sont affichés à travers « lo tablèu de las capitadas e dels progreses ».
5 – « presentacion de causas / de lengas / de capitadas »
Presentacion de causas : l’enfant qui veut amener un objet quel qu’il soit (livre, jouet, outil, document audio / visuel) le présente au groupe. Les autres enfants peuvent questionner ou réagir suite à la présentation. Les objets présentés peuvent rester en classe une semaine, sur la table d’exposition.
Presentacion de lengas : l’enfant fait partager ses connaissances linguistiques (par exemple, bonjour en islandais se dit « goden dagen »)
Presentacion de capitadas : l’enfant fait partager une expérience, une réussite nouvelle.
6 – « Lo jornal » / le journal
Créé par les enfants, il est diffusé et permet de communiquer leurs créations (textes, dessins, reportages…), permet de donner des nouvelles de la classe et de l’école. Il donne du sens à l’écrit.
7 – « la correspondéncia » / la correspondance
C’est un échange avec un autre groupe-classe ou une personne.
Elle se concrétise par de nombreux supports comme le dessin, les écrits, créations diverses, Internet, voire des rencontres.
Elle permet de placer l’enfant dans une situation concrète de rencontre, de création et d’exploitation de l’écrit.
8 – « la moneda » / la monnaie
La monnaie est un moyen de régulation de la classe. Elle permet à l’enfant de faire des expériences sociales et coupe avec le principe de récompense. C’est un objet d’appropriation des logiques mathématiques et un outil d’appréhension des codes de la vie citoyenne. Elle est là pour valoriser le travail effectué (réussi ou non), un comportement.
9 – « Lo mercat» / le marché
Lors de ce marché, les enfants peuvent vendre et acheter, avec la monnaie acquise, de petits objets fabriqués en classe ou provenant de la maison. Il donne du sens à la monnaie. Comme toute institution, celle-ci est soumise à des règles de fonctionnement.
10 – « La boita de questions » / Boîte à questions
Cette boîte est destinée à recevoir tout au long de l’année les questions que se posent les enfants. Un moment institutionnel est dédié à l’ouverture de la boîte. Une des questions tirée au sort est partagée avec l’assemblée. Chacun est libre d’apporter son commentaire. Puis, avec l’aide du (de la) regent(a), une recherche est effectuée si nécessaire pour nourrir la réflexion. Un enfant est missionné pour synthétiser par écrit les fruits de cette réflexion.